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  • : Lettres de 3 frères poilus
  • : 3 frères, Maurice, Paul, Joseph, élevés dans une famille catholique et patriote qui ne roule pas sur l'or. Maurice passe son bac de philo en 1912, comme 7000 autres condisciples. Paul vient d'obtenir son Doctorat en médecine et part sous les drapeaux pour un service militaire normalement de 3 ans. Joseph est un jeune vicaire. Leur destin va basculer au cours de l'été 1914. Voici, semaine après semaine, leur correspondance de guerre. Que leur courage ne soit pas oublié.
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17 janvier 2010 7 17 /01 /janvier /2010 18:21

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Monument aux mortsde Sagne et Goudoulet en Haute Ardéche

Le Soldat Français piétine l´aigle allemand

 

 

 

Les grandes offensives d'Artois et de Champagne sont terminées (et n'ont rien donné), Verdun ne fait pas encore parler d'elle. En Argonne, c'est une guerre sournoise avec quelques périodes de repos, comme le décrit Maurice, Sergent au 48e RI dans les lettres qui suivent.
permettez-moi de citer pendant cette relative trêve, quelques phrases de l'excellent et poignant roman autobiographique de Gabriel Chevallier, l'auteur du bien connu "Clochemerle", intitulé "la peur". Ce roman écrit en 1930 a été réédité récemment (Editions France loisirs) ; voici ce qu'il écrit après avoir appris que son bataillon doit attaquer à l'aube, au chemin des Dames
: "Chacun demeure stupide, assommé, la gorge serrée par le noeud coulant de l'angoisse : on attaque ! Chacun s'isole avec ses pressentiments, son désespoir, rassure, contraint sa chair indignée, révoltée, lutte contre les visions hideuses, contre les cadavres...
On va attaquer, on va mourir. Donnerais-je ma vie pour la tranchée des Casques ? Non ! Et les autres ? Non plus ! Et cependant des dizaines d'hommes vont donner leur vie, de force. Des centaines d'hommes, qui voudraient tant ne pas se battre vont attaquer...Le petit jour paraît, éclaire tristement ces champs silencieux, ternes et ravagés, où tout est destruction et pourriture, éclaire ces hommes livides et mornes, couverts de haillons boueux et sanglants, qui frissonnent au froid du matin, au froid de leur âme, ces attaquants épouvantés qui supplient le temps de s'arrêter..."


Le 19-1-16 (destinataire : Mme J B.)

 

J'ai reçu ta dernière lettre qui m'apprends l'arrivée d'un colis, mais je n'ai encore rien reçu. Quant au colis de bonbons je l'ai bien reçu, d'ailleurs je t'en avais averti aussitôt ; Paul a reçu aussi le sien. Rien de nouveau ici ; toujours le même temps humide et malsain ; aussi j'attends avec impatience le caoutchouc promis ; que de services il me rendra.

Paul est aux tranchées et attends les évènements. J'espère bientôt retourner au repos ; ce sera peut-être pour un bon moment. A bientôt de tes nouvelles. Je t'embrasse de tout coeur.

Maurice

 

Le 23-1-16

Bien chère maman,

J'ai reçu ta dernière lettre, mais je n'ai pas encore reçu le colis saucisson ; qu'est-il devenu ? J'attends avec impatience le caoutchouc dont je te remercie d'avance. Nous avons eu un très mauvais temps pour nos derniers jours de tranchées, il a plu sans arrêt. Aujourd'hui il fait un temps splendide, on se dirait au printemps ; il faudrait que cela dure un peu. Nous sommes au repos depuis le 21 ; ce serait paraît-il le grand repos, mais on ne sait rien. En tout cas suis toujours excellente santé. Quoi de nouveau à Moras. As-tu des nouvelles de Maubeuge ? Paul va toujours bien et a reçu son colis bonbons mais en piteux état. A bientôt. Je t'embrasse de tout coeur.

Maurice

 

Le 23-1-16

Bien cher Joseph,

 

Je t'écris ces quelques mots du pied d'une croix rustique au milieu d'un champ et prés d'une belle petite chute d'eau, car nous sommes au repos et le temps est superbe, contrairement à ces derniers jours. Je vais toujours bien et vois avec plaisir qu'il en est de même de vous tous. Nous sommes au grand repos paraît il ? Serait ce vrai ; en tout cas on profite largement du repos. Quoi de nouveau par là bas ? Rien de bien neuf par ici. Quand tu iras chez Mr N. tu les remercieras de la grande sympathie qu'ils témoignent pour moi et tu leur porteras mes hommages et mon meilleur souvenir et tu leur diras que je souhaite le prompt retour de Jean au foyer. Adieu je t'embrasse de tout coeur.

Maurice

 

 

Le 26-1-16

 

Bien chère Maman,

 

Rien de nouveau depuis ma dernière carte ; nous sommes toujours au repos. Aujourd’hui le canon tonne fort, les Boches auraient-ils l’intention de nous attaquer à l’occasion de l’anniversaire de leur maudit Kaiser, en tout cas ils seraient fort bien reçus ! ? ?

Le temps est au beau, ce qui arrive toujours quand nous sommes au repos. Hier mardi nous avons été vaccinés, mais comme j’ai un tempérament d’acier, je n’ai rien senti ; si je dois être évacué, ce ne pourra être que blessé. Quant aux autres, nombreux sont les malades et les fiévreux. Tout le monde va bien, c’est heureux, mais as-tu des nouvelles de Maubeuge et de l’Alsace ? Ecris-moi aussitôt. J’attends toujours le colis saucisson et surtout le manteau, il me sera souvent utile. J’ai réussi encore à avoir des bottes en caoutchouc, aussi ai-je les pieds au sec et au chaud. J’ai eu la diarrhée, mais c’est passé ; j’ai un petit rhume de rien. Allons je t’embrasse de tout cœur

Maurice


prochaines lettres vers le 1er février. 

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