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  • : Lettres de 3 frères poilus
  • : 3 frères, Maurice, Paul, Joseph, élevés dans une famille catholique et patriote qui ne roule pas sur l'or. Maurice passe son bac de philo en 1912, comme 7000 autres condisciples. Paul vient d'obtenir son Doctorat en médecine et part sous les drapeaux pour un service militaire normalement de 3 ans. Joseph est un jeune vicaire. Leur destin va basculer au cours de l'été 1914. Voici, semaine après semaine, leur correspondance de guerre. Que leur courage ne soit pas oublié.
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19 octobre 2013 6 19 /10 /octobre /2013 21:59

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Monument aux morts de Saint Martin du Vercors

 

99 ans ! Dans un an, un siécle aura passé depuis le déclenchement de la Grande Guerre. On évoquera alors une nouvelle fois la course folle pour la suprématie européenne et son corollaire, la course aux armements, le jeu des alliances...qui ont précédé des millions d'hommes dans l´enfer...

Je vous propose d'entrer dans   la Grande Histoire par le petit bout de la lorgnette, á travers le destin de ces trois jeunes hommes, bientôt  emportés par  un tourbillon dont il n´ont pas encore la moindre conscience.  Les deux lettres que voici, déjá publiées en 2008 au tout début de ce blog,  en témoignent : le militaire y apparait sous les traits de Paul, qui fait son service militaire, comme un ''drôle de zouave'',  acteur d´une comédie qui devriendra hélas tragédie, tandis que Maurice se passionne pour une autre course folle...celle de deux trains lancés á vive allure sur des voies paralléles. Une métaphore d´une Europe en surchauffe.

Bonne lecture

Thiaumont

 

 

 

Cher Joseph


Je suis vraiment négligent depuis quelque temps, je le reconnais ; il a déjà longtemps que je devais t'écrire, mais, peu encouragé par les lettres des uns et des autres, qui sont très rares, j'ai reculé ce moment, qui se restreint d'autant plus que mon examen approche plus vite. Une semaine me sépare de cette lutte décisive pour moi, mais j'espère et je le pense bien, ce sera un succès qui cloturera admirablement bien cette année 1912 si bien remplie. Je suis convoqué pour le lundi 28 octobre 2 heures du soir ; de 2 à 4 je passe, avec d'autres bien entendu et vers 6 h je saurai à quoi m'en tenir ; je t'enverrai un mot immédiatement. Tu sais maintenant la malchance que nous avons eue. Paul d'abord versé à Lille puis à Calais.

Hier pour la première fois je l'ai vu en soldat et je t'assure que j'ai ri, mais si, oh là! Là!! voilà ; je suis allé le chercher à la gare samedi soir ; je l'attendais sur le quai à la sortie. Vers 7h1/2 plusieurs soldats du 8eme s'avancèrent vers la sortie, Paul en était, mais je ne le vis ou plutot je ne le reconnus pas. A trois pas de moi se tenait une sorte de réserviste petit et trapu qui me semblait attendre quelqu'un ; ce réserviste!!!, il en avait l'air, n'était autre que Paul ; quand je le reconnu j'éclatai de rire et il y avait de quoi. Il s'était laissé pousser la barbe, et quelle barbe !!! d'un noir d'ébène, courte et par conséquent, quoique fournie, laissant voir la peau de ci et de là, non quelque chose de laid « d'horribile visu »!!! m'écriais je en riant. Tous ceux qui le voyaient se demandaient ce que c'était que ce « poilu » (terme de régiment) et les jeunes filles riaient en le voyant. Figure toi un visage, déjà brun, recouvert d'un « gazon de poils » excessivement noirs, assez courts ; ce sera à peu près l'impression que cela m'a faite, un vrai colonial quoi !!! Le portrait que j'en ai fait est encore loin en dessous de la réalité, c'était comique !; en civil il ferait reculer les gens d'effroi et à la guerre il terroriserait une armée entière d'ennemi ; c'est pas peu dire !?! A part cela il est potable sous la calote bleue et le pantalon rouge ; une allure décidée, des gestes secs, une marche étourdissante, grâce à ses « godillots » ; la France ne craint rien avec de pareils soldats. Il m'a apporté du linge sale, et comment ! Nous avons eu la pluie tout le jour aussi nous n'avons pas pu visiter Lille à notre fantaisie ; le temps reste pluvieux et devient par suite frais et humide.

Paul sera peut être bientôt le médecin de la place de Calais, car le médecin-auxiliaire en place partira vers le 20 Novembre. De ce fait il sera bien logé et pourra avoir plus de liberté.

Je t'embrasse de tout coeur en attendant de tes nouvelles. 

Maurice

Note de Thiaumont : remarquez que le terme "poilu" existait déjà avant la Grande Guerre

 

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Le Samedi 6 septembre (commentaire de Thiaumont :  1913)

                      

Cher Paul

J'avais déjà commencé la lettre que je devais t 'envoyer, lorsque Joseph est arrivé ; le lendemain de son arrivée nous sommes allés à U., aussi n'ai je pu continuer la lettre. Mais nous voici de retour et je remets la plume à la main pour te narrer tous les détails de notre voyage et de notre séjour à Moras et autres lieux. De Sous-le Bois à Valence nous avons fait bon voyage et nous avons été assez heureux pour assister à une course de trains entre 2 rapides le nôtre et celui qui filait vers Nevers, sur une voie parallèle pendant près de 40 kilomètres. C'était une course vraiment magnifique ; tous les voyageurs étaient aux portières se mesurant, riant, criant comme sur un champ de courses. Les 2 trains pendant 10 minutes allèrent de pair, puis l'autre sembla prendre de l'avance ; Le mécanicien de notre machine, ne voulant sans doute pas se laisser devancer chauffa fortement, si bien que notre convoi rattrapa l'autre  et lui passa devant, notre train avait gagné ; mais ce fut superbe encore une fois et cela dura environ 20 minutes. Le train étant un rapide ne s'arrêta qu'à Laroche, Dijon, Macon, Chalon Lyon et Valence où nous arrivions à 4h1/2

Maurice

 

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