Poilus martiniquais...1876 sont morts pour la France pendant la Grande Guerre sur un peu plus de 8000 mobilisés.
Voici un sérieux répit dans la fournaise de Verdun. Bien qu'ayant échappé de trés peu à la mort, Maurice s'ennuie ferme au dépôt divisionnaire où son régiment se refait une santé. C'est l'occasion de faire connaissance avec les nouvelles recrues martiniquaises...et de rêver àla fin de la guerre.
Thiaumont
Le 22 juillet
Chère maman,
Je ne t'écris que quelques mots pour te dire que je suis toujours en bonne santé et au dépôt divisionnaire. Nos Martiniquais sont partis en renfort et il n'en reste que quelques uns par ici et tous les hommes qui reviennent des formations sanitaires. Le temps se remet complètement au beau cette fois-ci, aussi je vais beaucoup mieux et ma diarrhée est passée. J'ai reçu ton petit colis merci ; je l'essayerai quand ça me reprendra. A bientôt. Je t'embrasse de tout coeur.
Maurice
Le 25 juillet
Bien chère maman
As-tu reçu mes cartes ? Je suis toujours au dépôt divisionnaire où il n'y a rien de nouveau. Le temps passe tout doucement, en attendant les évènements et la paix ; quand donc pourrons-nous nous réunir ?
Le temps s'est mis cette fois au beau pour tout de bon, ce n'était vraiment pas trop tôt, car on en avait assez de la pluie, de la boue et du froid.
J'ai reçu des nouvelles de Paul et Joseph ils vont toujours bien ; Mrs G. et R. m'ont écris aussi d'aimables lettres. Toujours rien de Maubeuge, espérons qu'on en aura bientôt. Que pense-t'on de l'offensive de la Somme ; il me semble que c'est lent. On parle beaucoup de changer de secteur. Serait-ce vrai ? Allons à bientôt de tes bonnes nouvelles. Je t'embrasse de tout coeur.
Ton Maurice
Le 26 juillet
Bien cher Joseph
alors comment vas-tu ? Et quoi de neuf à B depuis ton retour de permission ? Ici ça va toujours bien ; je suis toujours au dépôt divisionnaire où la vie est monotone et parfois ennuyeuse on est tout au moins à l'abri. Nous avons déjà envoyé un assez grand renfort ; tous nos martiniquais sont partis. Je me suis à peu prés complètement remis de mes fatigues, de mes insomnies et de ma diarrhée ; malheureusement j'attrape mal aux dents ; il est vrai que je vais employer le moyen radical qui est l'extraction. J'ai de bonnes nouvelles de maman et de Paul. J'ai reçu des lettres de Messieurs G. et R.; j'ai écrit à Mme M., je l'avais totalement oubliée.
Aujourd’hui nous avons eu prise d'armes pour une remise de décoration par le général commandant le corps de Th. M.H.. Nous avons ensuite assisté à de très interessants vols d'avions. Un chasse taubes (?) en particulier faisait le looping de loop, faisait des descentes vertigineuses en feuille-morte ou en spirale et cela très aisément.
Il n'y a pas beaucoup de distractions par ici. Heureusement qu'on va changer...probablement de région ??.. ce ne serait vraiment pas trop tôt quoique peut-être on ne gagnera pas au change. Tu ne me vois pas rentrer à Maubeuge en vainqueur, quelle joie alors ; cela pourra t'il jamais se réaliser ; c'est tout de même long. Les Allemands ont le temps de s'organiser à l'arrière. Ah! Si les Russes pouvaient envahir la Hongrie et faire capituler ce vieux fou, ça pourrait avancer singulièrement les affaires ; on dit déjà que des puissantes pointes de cosaques ont pénétré sur le sol hongrois. Espérons en Dieu et qu'il agrée nos suppliques incessantes pour faire cesser ce terrible fléau et nous donner la victoire.
Allons j'espère ; a bientôt de tes nouvelles. Je t'embrasse mille fois de tout coeur.
Maurice
Le 29 juillet
Bien chère maman,
Je vais toujours bien et me refais complètement. D'ailleurs je suis chef popotier aussi je soigne particulièrement la cuisine ; il faut profiter du bon moment qu'on a pour vivre royalement. Nous sommes dans un pays où l'on trouve tout ce qu'on veut au point de vue boissons et mangeaille (légumes, viandes, pains,(?), bière). La population est très accueillante, aussi j'ai pu trouver un bon lit. Le prix des objets n'est pas très haut. Enfin ça y est on quitte le secteur destination inconnue..Je n'en dis pas plus, m...Je vois bien que tu ne sais rien sur Paul ni moi non plus. Ecris moi bientôt. Tout va bien ici, c'est un Paris comparé à nos anciens cantonnements. La curiosité du pays ce sont les femmes en pantalon (cuisinières). Je t'embrasse de tout coeur.
Maurice
prochaines lettres vers le 7 août