Dans les tranchées du Nord-est de la France, Maurice le Sergent et Paul, médecin major,
semblent craindre plus les intempéries que les allemands. Joseph, l'ainé des 3 frères, prêtre-infirmier dans un hôpital de campagne des Vosges est moins exposé.
Paul revient d'une courte permission à Moras, dans le sud de la France où il a retrouvé sa mère et fait de nombreuses visites de courtoisie. Son père et sa soeur sont toujours à Maubeuge, en zone allemande.
Thiaumont
Ce 6 déc 1915
Mon bien cher Maurice
Je commençais à être assez inquiet lorsque ta carte m'est arrivée ce matin. Depuis les premiers jours, de novembre en effet je n'avais plus rien de toi. Enfin tu vas bien et tu me sembles devoir traversé sans indisposition les quelques jours de gros froid que nous avons eus ces derniers temps. Maintenant c'est la pluie, la boue, le vent on ne peut plus sortir les chemins sont impraticables. Je crois t'avoir raconté les incidents et les impressions de mon voyage. Jean l'adjudant a eu 8 grands jours de permission à l'occasion du service de son frère. Je joins à ma carte une petite photographie qui me représente entre Jean et Pierre N.. Quand tu pourras tu l'enverras à Paul en le priant de la faire suivre à Moras. Le discours qui a été prononcé pour le service de Paul est maintenant imprimé. J'en ai envoyé un exemplaire à Mr M.. Je n'ai toujours rien de Paul. Il a déjà profité d'une seconde permission. Quand sera-ce ton tour ?? Allons soigne toi du mieux possible ; garde pieusement la santé de l'âme et du corps. Je t'embrasse de tout coeur.
Joseph
Ce 8 décembre 1915
Mon cher Maurice
comment vas-tu ? Tu n'écris pas souvent. Il est vrai que je te donne l'exemple de la paresse. Je t'ai dit que j'avais obtenu dans le milieu de novembre une 2e permission. Je l'ai passée à Moras naturellement où j'ai vu Maman en bonne santé. J'ai fait pas mal de visites à l'aristocratie et à la bourgeoisie : partout on m'a reçu fort bien. Et maintenant me voici de nouveau dans le train de vie habituel. Nous sommes en ce moment au bivouac, et la pluie, le froid, la boue nous en font voir de toutes les couleurs. Pourtant je n'ai pas eu à soigner encore de gelures des pieds. Avez-vous des bottes de tranchées ? Je te recommande de bien graisser ou suifer tes pieds ainsi que tes chaussettes et chaussures à l'intérieur et à l'extérieur. Je t'ai envoyé il y a 3 jours un paquet contenant du tabac et 3 paires de chaussettes. Tu me diras si elles te vont. La fin de l'année approche et 1916 aussi. Cette nouvelle année verra je pense la fin de la guerre. Allons bon courage. Je t'embrasse bien fort.
Dr Paul B.
Le 9-12-15
Bien chère maman
Notre temps de repos se passe et tire à sa fin, c’est en effet samedi que nous regagnons nos boueuses tranchées. On nous y conduit en auto, car on est loin, même secteur, par conséquent nous le connaissons déjà.
Je vais toujours bien malgré la pluie qui tombe sans arrêt. Le froid heureusement a cessé. Ici au cantonnement on dort fort bien, paille à volonté ; on peut bien se ravitailler en vin, beurre et lait ; aussi à la popote fait-on chocolat au lait tous les matins avec tartines grillées et beurre. Hier 8 décembre nous avons célébré l’Immaculée Conception le mieux que nous avons pu ; messe et communion, le soir vêpres avec chants et discours (le colonel et le commandant y assistaient. Nombreuse assistance, c’était splendide ; j’ai bien prié pour toi et surtout pour Papa loin de nous. Je t’embrasse de tout cœur.
Maurice
Ce 13 décembre 1915
Mon cher Maurice,
Je reçois ta carte qui a dû se croiser avec les miennes; Ma santé est toujours bonne malgré un temps extrêmement humide. On a toujours les pieds mouillés : c'est dégoûtant. As-tu reçu mon petit paquet contenant tabac et chaussettes ? N'oublie pas de me dire combien de temps il a mis pour te parvenir. Je t'enverrai demain matin un second contenant du tabac encore. Vous devez être dans les tranchées à présent. Etes-vous à peu près installés ? Avez-vous des abris, des braseros ? Les Boches se montrent ils actifs dans votre secteur ? De toutes façons il faut toujours se méfier avec ces cochons. Mon médecin chef vient d'être relevé. Il est parti pour Orléans. Mon tour ne vient pas vite et pourtant voilà bientôt 17 mois que je suis sur le front. Enfin j'attends patiemment sans me faire de bile. C'est ce qu'il y a de mieux à faire.
Bon courage et bonne chance. Je t'embrasse de tout coeur.
Dr Paul B.
prochaines lettres vers le 15 décembre